Isabelle GÉNIN
Résumé
L’article étudie les rapports entre traduction et écriture dans le contexte particulier de Jean Giono traduisant Moby-Dick en collaboration avec Lucien Jacques et ...
L’article étudie les rapports entre traduction et écriture dans le contexte particulier de Jean Giono traduisant Moby-Dick en collaboration avec Lucien Jacques et Joan Smith. L’activité traduisante d’un écrivain- traducteur peut se trouver considérablement modifiée par ce double désir de traduction et d’écriture. Traduit-il pour s’ouvrir à l’autre, l’accueillir dans son propre horizon de création ou son désir est-il de substituer sa voix à celle de l’autre, de le faire ainsi disparaître de l’horizon du lecteur ? Le paratexte laissé par Giono donne à penser que l’écrivain a été profondément bouleversé par la lecture de Moby-Dick qu’il décide alors de traduire. Pourtant la rédaction de la traduction, la réécriture en français de ce « livre des monstres et des merveilles de la mer » trouve difficilement sa place dans l’horizon créatif de Giono, accaparé par son activité d’écrivain, ce qui le pousse à négliger le projet qui repose en grande partie sur l’enthousiasme de Lucien Jacques. C’est sous d’autres formes que les rapports complexes entre le même et l’autre, habituellement en jeu dans le processus du traduire, se manifestent : influence thématique dans les romans, notamment dans Batailles dans la montagne, fusion et confusion des deux identités auctorialesdans Pour Saluer Melville et réappropriation créatrice dans Fragments d’un paradis.